Aimer à perdre la raison
Avant le lancement de son premier numéro papier en octobre 2022, la rédaction de Surimpressions vous propose une série d'articles en avant-goût.
Asako tombe amoureuse du mystérieux Baku ; amour foudroyant, total, qu’ils se promettent éternel. Mais Baku disparaît. Quelques années plus tard, Asako croise son sosie en la personne du plus sage et conformiste Ryōhei. Les circonstances semblent les pousser irréversiblement l’un vers l’autre… mais aime-t-elle vraiment Ryōhei ou alors le fantôme de Baku ? Dans ce long-métrage, le cinéaste Ryūsuke Hamaguchi explore les tourments d’une jeune femme timide et sensible au monde, qui découvre avec son amour pour Baku une puissance sans borne, après laquelle elle ne cessera de courir.
Projeté dans les salles japonaises en 2018 et en France tout début 2019, Asako I & II arrive en Belgique grâce au succès des deux films suivants d’Hamaguchi : Contes du hasard et autres fantaisies et Drive my car tous les deux sortis en 2022 chez nous. Difficile de ne pas regarder Asako I & II sans penser à ceux-ci tant le long-métrage semble contenir leurs prémisses. Il y a ce jeu sur l’amour perdu/retrouvé, force d’attraction quasi gravitationnelle ; aussi cette émergence de la transgression, de l’acte qui délie les normes et les codes quelquefois pesants de la société ; et puis ce rôle du théâtre – la meilleure amie d’Asako est une actrice – auquel fait écho un jeu parfois volontairement un peu trop écrit ou trop enlevé.
Même si la réalisation d’Hamaguchi est très maîtrisée et se permet, de temps en temps, quelques fantaisies, le film repose avant tout sur la prestation de ses deux acteurs principaux : Erika Karata (Asako) et Masahiro Higashide (qui joue à la fois Baku et Ryōhei). Le cinéaste, même s’il décrit surtout le trouble d’Asako et son déchirement entre deux amours, et en fait entre deux faces d’elle-même, se penche particulièrement sur le point de vue de Ryōhei. Si les deux hommes forment aussi un couple de sens et d’opposition – Baku l’intrépide, l’insaisissable et Ryōhei le sûr, le raisonnable – le caractère du premier est poussé à tel point qu’il devient un être presque fantastique.
Même si l’expression est galvaudée, il faut dire qu’Asako I & II est un beau petit film et sans doute une bonne manière de rentrer dans la filmographie d’Hamaguchi. Ce qu’il n’a pas en subtilité ou en ambition se trouve, précisément, dans ses longs-métrages suivants. Ils sont tous à voir.