
Ernest Cole: Lost and Found n’est pas un documentaire sur la photographie. Il retrace certes la vie d’Ernest Cole, grand photographe sud-africain, mais s’il mobilise ses œuvres et les présente au public, c’est d’abord pour parler de ses combats. Ernest Cole fut l’un des premiers à documenter l’apartheid avant de s’exiler aux États-Unis et en Europe, tombant dans un oubli relatif. Avant sa mort prématurée en 1990, il a traversé des phases de pauvreté extrême et une bonne partie de ses photographies sont considérées comme perdues. Le cinéaste Raoul Peck ne questionne pas l’art de Cole, il veut montrer que sa vie et sa production sont indissociables de l’action et de l’histoire politique de son époque. Il poursuit en cela sa série de portraits sur des figures engagées du XXe siècle : Lumumba, mort d'un prophète en 1990, I Am Not Your Negro sur James Baldwin en 2016 et Le Jeune Karl Marx en 2017.

Et son approche de Cole a toutes les qualités de ces longs-métrages précédents : une puissance de choc sur les discriminations raciales et les crimes du régime blanc sud-africain et la capacité de cerner parfaitement la personne de Cole et son parcours. Cependant, la recette fonctionne ici un peu moins bien. Les photographies, souvent superbes, parfois glaçantes, s’enchaînent trop vite. Si l’une ou l’autre ont droit à une analyse plus précise, c’est pour illustrer un état social et non pour souligner l’incroyable talent de Cole pour saisir l’humanité des personnes photographiées, qu’elles soient victimes, bourreaux ou de complètes inconnues croisées dans une rue de New York.
On se demande aussi pourquoi le film est construit autour de la découverte de plusieurs milliers de négatifs du photographe, en 2017. Ce qui est présenté au début comme l’entame d’une enquête – sur le modèle du passionnant À la recherche de Vivian Maier (2023) – ne mène nulle part. Comme si Raoul Peck avait surtout profité d’une mode, celle des documentaires suivant la redécouverte d’artistes oublié·es, pour vendre un authentique film politique sur les inégalités, le racisme ou encore l’homophobie.
Réalisé par Raoul Peck (États-Unis/France, 106 minutes) avec LaKeith Stanfield.