Un vampire à la hauteur ?
Depuis quelques années, Universal tente à tout prix de moderniser les monstres cultes de son catalogue, avec à la clé des résultats de qualité plutôt…variable. Après la relecture féministe et franchement angoissante de The Invisible Man en 2020, l’année 2023 a vu deux nouvelles itérations de Dracula : la comédie gore Renfield et le sentencieux Dernier Voyage du Demeter. Deux approches aux antipodes l’une de l’autre qui ont rencontré un rejet commercial et critique similaire…Ce qui n’a pas empêché le studio d'embrayer avec un troisième film autour du vampire : le bien dénommé Abigail, qui se concentre donc sur la fillette de Dracula. Aux manettes de ce nouvel opus, l’on retrouve un duo bien connu de la sphère horrifique : Matt Bettinelli-Olpin et Tyler Gillett, responsables du sympathique Wedding Nightmare et des deux derniers Scream.
Situé à notre époque, Abigail raconte l’histoire d’une bande de malfaiteurs chargés de kidnapper la fille d’un milliardaire dans l’espoir d’acquérir une jolie somme. Hélas, après avoir cloisonné l’enfant dans un manoir dont les portes se referment sur eux, il semble évident que les rôles de chasseur et de chassé viennent d’être intervertis…
Avec ce concept cocasse, sorte de home-invasion inversé, les deux cinéastes renouent avec l’écriture malicieuse et le décalage comique déjà à l'œuvre dans Wedding Nightmare. Abigail a le mérite de proposer une galerie de personnages bien identifiés et sympathiques, dont les différents caractères vont être ludiquement exploités au fil des situations de plus en plus cruelles imaginées par le duo. Une tonalité légère que l’on retrouve aussi dans le traitement du vampire, dont la mythologie est discrètement détournée. Outre le grotesque d’un monstre sanguinaire en tutu - car oui, Abigail est une ballerine - les cinéastes s’amusent avec les attentes du public. L’ail et les crucifix seront-ils efficaces contre la créature ? Les morsures causent-elles une transformation ? Va-t-on finalement voir Papa-vampire ?
Un programme réjouissant qui aurait mérité davantage d’inspiration dans la mise en scène, qui reste très fonctionnelle et ne s’appuie que trop peu sur l'excellent décorum gothique conçu par Susie Cullen. Dommage également qu’Abigail tombe dans une certaine surenchère et troque progressivement l’horreur contre une logique plus proche des excès d’un blockbuster. Le second degré se mue ainsi en une béquille censée justifier toutes les invraisemblances du script tandis que le climax à rallonge aligne les affrontements homériques et les rebondissements jusqu’à une certaine lassitude. À ce stade du métrage, le frisson goguenard du huis clos paraît lointain et on regrette un brin qu’un canevas de série B soit à ce point phagocyté par des impératifs de spectacle. Il y avait sans doute un film plus méchant à faire avec le concept d’Abigail, un film qui aurait joué la carte de la désinvolture crade jusqu’au bout sans sacrifier autant aux grands studios. Une petite déception donc même si, en l’état, ce dernier opus demeure assez amusant pour être recommandable aux amateurs de viande fraîche - dont l’auteur de ces lignes fait partie.
RÉALISÉ PAR : TYLER GILLETT, MATT BETTINELLI-OLPIN
AVEC : MELISSA BARRERA, ALISHA WEIR, DAN STEVENS
PAYS : ÉTATS-UNIS
SORTIE : 17 AVRIL