Critique de Caught by the tides, une odyssée dans la Chine contemporaine
- Thibault Scohier
- il y a 16 heures
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Si chaque film du réalisateur chinois Jia Zhangke est une expérience, Caught By the Tides constitue la formule chimiquement pure de son cinéma. Construit avec des images tournées à plusieurs dizaines d’années d'écart, souvent pour d'autres projets et à l’aide de caméras dissemblables, le long-métrage tire de son côté labyrinthique et de son patchwork visuel une beauté intemporelle. L'histoire est aussi simple qu'indicible : un couple s'aime, se perd, se retrouve. En arrière-fond, les années qui défilent et la Chine qui change.
On retrouve certaines des grandes balises du cinéma de Zhangke, en particulier la préfecture d'Yichang, que le cinéaste a filmé sous tous les angles avant l’émergence du barrage des Trois-Gorges, dont la construction a englouti des milliers d’hectares et occasionné le déplacement de près deux millions de personnes. Seul fil rouge : la femme jouée par Zhao Tao (qui est également l'épouse du réalisateur) qu'on voit traverser les époques en vieillissant et dont les errances sont déchirantes.

Caught By the Tides ne constitue sans doute pas la meilleure porte d'entrée pour l'univers de Zhangke – on privilégiera A Touch of Sin (2013) ou Ash is Purest White (2018) – mais son inventivité formelle le rend captivant. À côté de quelques gimmicks classiques, comme les surimpressions ou un panotage continu de la caméra, on trouve des expérimentations plus perturbantes comme les recadrages très rapides de la dernière partie où la Chine apparaît en pleine épidémie de Covid-19. C’est aussi un film musical, couvrant une multitude de genres, du chant traditionnel a capella au punk-rock chinois. Mosaïque en lente métamorphose, il désarçonne pour la meilleure raison : offrir à son public l’impression d’avoir vécu plusieurs décennies en moins de deux heures.
Réalisé par Jia Zhangke (Chine, 111 minutes) avec Zhao Tao, Li Zhubin.