Dans les yeux d'Agnès Varda
À Paris, la rue Daguerre d’Agnès Varda n’existe plus. Filmée en 1975, l’ancienne rue de la Pépinière telle que présentée par la réalisatrice ixelloise s’est depuis transformée. Destruction du marché couvert, gentrification, la rue s’est même très largement piétonnisée.
Reste qu’au numéro 86, la maison rose où elle vivait se dresse toujours. C’est d’ailleurs à partir de cette bâtisse qu’Agnès a conçu son documentaire en s’obligeant, à la manière de l’OUvroir de CInématographie POtentielle, à respecter deux contraintes : ne filmer que ce que la longueur du câble de sa caméra lui permet d’atteindre, sans rallonge aucune, et mettre en valeur les gens de son entourage qui habitent la rue.
De l’OUCIPO à la Nouvelle Vague, dans l'œil de la cinéaste, la contrainte se fait créative. Doté d’un générique parlé façon Truffaut et Godard, le film de Varda est souvent limité à sa forme documentaire, mais jongle habilement entre séquences naturalistes et scènes plus écrites. À l’image de cette sublime caméra embarquée dans une voiture d’auto-école ou le cinéma rencontre la vie.
Car si la démarche d’Agnès Varda a des relents sociologiques dignes de Jean Rouch et Edgar Morin, invitant les gens du quartier à s’épancher sur l’année de leur installation rue Daguerre ou à se confier sur leur couple, elle n’en a pas l’ambition. Ici la réalisatrice veut avant tout faire un portrait de famille. Montrer les gens qu’elle croise au quotidien, leur réalité. C’est un regard amoureux, empathique, subjectif qu’elle choisit de poser sur eux. Un film empli de vie. Comme un hommage aux créateurs de la photographie, Louis Daguerre et Nicéphore Niépce et à leur procédé photographique strictement positif, Agnès "la daguerréotypesse” a plutôt l’objectif de nous faire voir une image sans négatif. En découle une œuvre humaine, simple et innovante qui a le don de mettre en joie.
RÉALISÉ : AGNÈS VARDA
PAYS : FRANCE, ALLEMAGNE DE L’OUEST
DURÉE : 75 MINUTES