
Presque six ans après le triomphe absolu de Parasite, récompensé à la fois d’une Palme d’or et de l’Oscar du meilleur film, on attendait forcément le cinéaste sud-coréen Bong Joon-Ho au tournant. L’excitation a monté d’un cran lorsqu’on a appris que le réalisateur allait s’associer avec Robert Pattinson, l’un des acteurs les plus atypiques et polyvalents de ces dernières années, pour mettre en scène un ample récit de science-fiction. À l’arrivée, Mickey 17 s’impose comme une anomalie, un blockbuster inclassable, fourre-tout et intrigant, dont le visionnage suscite hélas une certaine dose de scepticisme.
Mickey 17 nous raconte l’histoire de Mickey, embarqué dans une mission de colonie spatiale en tant que “remplaçable”. Pour faire simple, Mickey, dont le corps est clonable à foison, sera traité comme de la chair à saucisse : il teste les vaccins les plus incertains, s'adonne aux besognes les plus périlleuses et constitue la principale ligne de front de l’exploration spatiale. L’intrigue démarre lorsque le clone 17 de Mickey survit miraculeusement à une chute, et se retrouve contraint de coexister avec le numéro 18, déjà recréé par les scientifiques du vaisseau.

De ce postulat cocasse et macabre, Bong Joon-ho tire une satire de l’impérialisme américain, pas très fine, il faut le dire, mais portée par quelques interprétations amusantes. Il y a d’abord Mark Ruffalo, qui singe avec appétit la prosodie étrange et les expressions outrées de Donald Trump, et cristallise avec un certain panache une Amérique stupidement patriote et mégalomane. Mais il y a surtout Robert Pattinson, qui s’épanouit avec grâce dans la comédie, offrant une double-interprétation de benêt de l’espace particulièrement savoureuse et inspirée. On aurait aimé que la dualité qui oppose les deux Mickey soient au centre du métrage, tant l’acteur s’avère en phase avec l’univers décalé de Bong Joon-ho, dont le cinéma affiche ici ses limites les plus évidentes.
En singeant Donald Trump et son ambition débridée, le film se veut sans doute vindicatif et politique, mais sa caricature ne semble jamais tout à fait à la hauteur des excès qu’il parodie. On rit finalement très peu devant cette farce facile et poussive, qui se contente d’enfoncer des portes ouvertes sur l’impérialisme et le colonialisme. Pire encore, on s’ennuie parfois devant Mickey 17, qui souffre d’un récit mal dégrossi et éparpillé, gorgé de digressions superflues et de personnages inutiles.

Dans son dernier segment, le film connaît un recentrement inattendu : le clonage et la pantalonnade politique passent au second plan, et la caméra se braque soudainement sur les extraterrestres de la planète colonisée, pour un propos qu’on devine antispéciste. Sauf que cette thématique avait déjà été largement explorée par Bong Joon-ho dans The Host et Okja. Le cinéaste le plus connu de Corée du Sud serait-il en train de bégayer ? On peut le penser, tant on retrouve beaucoup de ses anciens films dans cette entreprise à gros budget - les bestioles baveuses de The Host et Okja donc, la lutte des classes de Snowpiercer et Parasite, le héros benêt de Mother, la dystopie de Snowpiercer encore - sans constater de plus-value notable. Au final, Mickey 17 s’apparente à un best-of hasardeux du cinéaste, une compilation mal harmonisée de ses motifs favoris qui échoue à faire véritablement avancer son cinéma.
Réalisé par Bong Joon-Ho (137 minutes, États-Unis), avec Robert Pattinson, Mark Ruffalo, Naomi Ackie.