Un film sans vertige
Depuis une dizaine d’années, on observe une certaine tendance dans la science-fiction : l’espace, toujours un vaste territoire à explorer et coloniser, devient également source de mélancolie et d’introspection. De Gravity à Ad Astra, en passant par First Man, le vide sidéral se nourrit des fêlures intimes et amène les cinéastes à développer une autre science-fiction, moins préoccupée par les avancées technologiques que par un décuplement de l’émotion.
C’est dans ce sillage thématique que s’inscrit Pendant ce temps sur Terre, avec une originalité notable : ici, le mal-être n’est pas celui du voyageur mais de la personne restée au sol. Cette personne, c'est Elsa, jeune infirmière engoncée dans une vie routinière et grisonnante depuis la disparition de son frère Frank en mission spatiale. Jusqu’à ce qu’Elsa reçoive un miraculeux message de Frank, qui semble aux prises avec d’étranges envahisseurs….
Pour le cinéaste Jérémy Clapin, il s’agit d’une nouvelle occasion d’aborder nos afflictions les plus profondes, après le poétique film d’animation J’ai perdu mon corps. Malheureusement, Pendant ce temps sur Terre ne retire pas grand-chose de son intriguant postulat. À l’insondable peine de l’héroïne, Clapin n’a à offrir qu’une poignée de dialogues simplistes et une quête de résilience balisée, préférant orienter son récit vers une trame d’invasion de série B aux péripéties grotesques. Plus décevant encore : délesté des possibilités illimitées de l’animation, le style de Clapin paraît vidé de toute substance en prises de vue réelles. Le film voudrait s’envoler vers les vertiges du grand Ailleurs mais il est constamment ramené au sol par la pauvreté de son décorum et le manque de souffle de sa mise en scène. Finalement, c’est quand Pendant ce temps sur Terre renoue avec l’animation le temps de quelques interludes fantasmatiques qu’il retrouve un soupçon de magie. De brèves parenthèses qui résonnent hélas comme les tristes échos d’un passé plus glorieux.