Huis clos de vie ou de mort
Pierre Goldman, militant d’extrême gauche, intellectuel torturé, juif, a-t-il assassiné deux pharmaciennes lors d’un braquage qui a mal tourné ? Voilà ce qu’un procès en appel retentissant devait trancher dans la France de 1976 ; à la clef, une possible peine de mort. Son protagoniste n’était, cependant, pas de cet avis : Goldman n’a cessé de retourner l’accusation contre la police, la justice et l’État. Cette ambiguïté fondamentale a été retranscrite avec brio par le cinéaste Cédric Kahn grâce à un (presque) huis clos fascinant.
Fascinant avant tout par la personnalité de Goldman et l’interprétation très inspirée d’Arieh Worthalter : l’accusé fait des bons mots, provoque, refuse de faire foi de sa moralité mais s’auto-analyse ensuite avec une finesse qui surprend. Chaque intervention, des avocats, des témoins, hypnotise, nous attirant dans un tourbillon de faits et d’interprétations. Quelle est la place du public dans cette salle d’audience ? Sommes-nous spectateurs, jurés ou juges ? Sans doute un peu les trois. Politique, le film résonne franchement, disons même radicalement, avec l’actualité et notamment la question des violences policières.
Le réalisateur a su déjouer les contraintes du huis clos avec des techniques discrètes mais puissances : des miroirs « fictifs » sont parfois placés en arrière-plan, mettant sur le même plan deux personnages qui se font face. Cédric Kahn a surtout privilégié la parole ; sa caméra filme presque toujours ceux et celles qui parlent. Ici, les mots pèsent le poids d’une vie. Sobre, parfois cru, le long-métrage parvient à suspendre le cours normal du temps et fait passer ses deux heures à toute vitesse. Le verdict participe évidemment du suspens… mais c’est le gouffre séparant deux vérités, deux notions de la justice, deux mondes, qui nous embarque et peut-être nous engage vraiment.
RÉALISÉ PAR : CÉDRIC KAHN
AVEC : ARIEH WORTHALTER, ARTHUR HARARI, STÉPHAN GUÉRIN-TILLIÉ, NICOLAS BRIANÇON
PAYS : FRANCE
DURÉE : 115 MINUTES
SORTIE : LE 4 OCTOBRE
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