Un pour tous, tout ça pour ça
Un peu plus d’un mois après la sortie d’Astérix et Obélix : L’Empire du Milieu, le cinéma français dévoile son second blockbuster de l’année avec un premier épisode du diptyque Les Trois Mousquetaires, centré sur D’Artagnan. Doté d’un budget pharaonique de 70 millions d’euros, d’une distribution prestigieuse et d’une volonté de remettre le film de cape et d’épée au goût du jour, le long-métrage de Martin Bourboulon tend-il plus vers l’accident industriel à la Vidocq ou vers la réussite du Pacte des Loups ?
Après les sympathiques Papa ou Maman (2015, 2016) et le faux biopic Eiffel (2021), Martin Bourboulon se voit confier les prémisses d’un ambitieux projet d’adaptation de l'œuvre d’Alexandre Dumas au cinéma et à la télévision. Conçu comme la première entrée d’un véritable extended universe à la française, Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan a la lourde tâche de réconcilier un public français en manque de cinéma populaire spectaculaire et fait maison.
Pour incarner son équipe de héros, le cinéaste a misé sur un casting de taille. François Civil, campant un D’Artagnan à la fois insolent, charmeur et obstiné est rejoint par un trio composé de Vincent Cassel en Athos, Romain Duris en Aramis “Jack Sparrow-isé” et Pio Marmaï en Porthos. Si les comédiens font le travail, l’équipe de mousquetaires peine à développer l’alchimie attendue. Au-delà d’une séquence d’introduction jubilatoire, Bourboulon et ses scénaristes Alexandre De La Patellière et Matthieu Delaporte sacrifient l’émotion au profit de l’efficacité. Enchaînant les péripéties à vitesse grand V, le film ne parvient à impliquer le spectateur qu’en de trop rares instants et n’arrive pas à rendre le souffle romanesque du livre. Victime parmi tant d’autres de ce manque de développement, Lyna Khoudri, pourtant excellente, ne se voit presque reléguée qu’à un rang de love interest sans contenance dans le rôle de Constance Bonacieux. On retiendra cependant les prestations de Vicky Krieps en reine amoureusement tourmentée, Louis Garrel délicieusement cabotin dans le costume d’un Louis XIII en quête de d’autorité et bien sûr Eva Green en Milady, suffisamment présente et charismatique pour susciter la curiosité quant au second épisode du diptyque, qui lui sera consacré.
En termes de spectacle, le bilan est en demi-teinte également. Si la volonté de moderniser le film d’aventure d’époque est louable, Bourboulon tourne le dos à la rigueur et la virtuosité des duels qu’on pouvait voir dans les classiques d'antan pour proposer un suivi plus intense et brut des combats. Pour cela, le réalisateur s’engouffre dans les enchaînements de plans-séquences en caméra à l’épaule dans des scènes d’action globalement illisibles, faisant penser à la confusion (volontaire dans ce cas) d’un Paul Greengrass (La Mort dans la peau, Captain Phillips) mais ici éclairée à la bougie. C’est un véritable problème, dû à une photographie terne et trop sombre, qui abîme le travail considérable produit sur les décors réels, les costumes et surtout les cascades.
On n’en viendra pas à regretter l’horrible version de Paul W. S. Anderson, mais le résultat s’avère finalement tiède. Et pour conclure cette aventure, passée bien trop vite, le public a droit à un cliffhanger pataud et une scène post-générique qui débarque comme des cheveux sur la soupe. Ils confirment que ce premier épisode, bien que relativement efficace et se regardant sans déplaisir, manque cruellement d’audace. Les Trois Mousquetaires : D’Artagnan remplit donc, paresseusement, son objectif.
RÉALISÉ PAR : MARTIN BOURBOULON
AVEC : FRANÇOIS CIVIL, EVA GREEN, VINCENT CASSEL, LYNA KHOUDRI PAYS : FRANCE, ALLEMAGNE, ESPAGNE DURÉE : 115 MINUTES
SORTIE : LE 5 AVRIL