Alors qu’il est empêtré depuis plus de vingt ans dans un triste marasme de recyclage et d’auto-références - l’arrivée prochaine de Beetlejuice Beetlejuice le confirme - on avait presque oublié à quel point Tim Burton, à ses débuts, s’était imposé à Hollywood comme un cinéaste hors-pair, profondément original et novateur. Et si beaucoup voient Edward aux mains d’argent ou Batman : le défi les plus glorieux manifestes de la “patte Burton”, nous avions envie d’évoquer un film moins connu, moins célébré, mais qui cristallise peut-être davantage l’essence de ce cinéma bizarre et passionnant qui émergeait dans les années 90.
Ed Wood.
Contrairement à la plupart des personnages de Burton, Ed Wood a bel et bien existé dans le Hollywood des années 50, et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’homme traîne une réputation flatteuse : il serait tout simplement “le pire réalisateur de tous les temps” !
Voici donc un biopic “réaliste” qui paraît a priori très loin de l’imagerie habituelle de Burton. C’est pourtant là que naît le paradoxe fécond d’Ed Wood : débarrassé de ses motifs fantastiques confortables, le regard de Burton apparaît décuplé, surpuissant, plus singulier que jamais. Face à sa caméra, Hollywood se trouve perverti par l’expressionnisme allemand, les décors tournent au kitsch et les prestations virent à l’outrance - Martin Landau et Johnny Depp, excellents. Très loin des grands studios et des vedettes prestigieuses, Ed Wood devient ainsi le chef de file passionné d’une contre-histoire du cinéma, qui carbure au mauvais goût et à la roublardise.
C’est dans ce portrait tendre d’un artiste optimiste que le long-métrage trouve son point d'équilibre émotionnel. Peu importe la qualité de ses films - Ed Wood n’est ni raillé ni idéalisé - seule compte leur fabrication exaltée. Là réside sans doute la profession de foi du cinéma de Burton : une célébration décomplexée de la création artistique, dans tout ce qu’elle a de plus déviant, marginal et sincère.
RÉALISÉ PAR : TIM BURTON
AVEC : JOHNNY DEPP, PATRICIA ARQUETTE, MARTIN LANDAU
PAYS : ÉTATS-UNIS
DURÉE : 126 MINUTES
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