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Photo du rédacteurKévin Giraud

Interview - Rencontre avec les studios MPC Liège, spécialisés en VFX

Dans les coulisses d'Annette


Si l’utilisation des effets spéciaux numériques, également connus sous l’acronyme de VFX, saute aux yeux dans les blockbusters hollywoodiens, leur utilisation est aujourd’hui bien plus présente qu’on ne le pense sur le petit et le grand écran. Dans leurs locaux liégeois, nous avons rencontré les équipes de MPC VFX, derrière Les Frères Sisters, César de la meilleure réalisation en 2018 et Annette, pour lequel Guillaume Pondard (superviseur VFX) a reçu en 2022 le tout premier César des meilleurs effets visuels.


Annette, la comédie musicale de Leos Carax
© September Film BE

Surimpressions : À quel moment arrivez-vous sur un projet? 


Stéphane Thibert, VFX supervisor : En fait, nous intervenons dès le scénario. Les producteurs ou réalisateurs viennent nous solliciter avec leur projet, et nous identifions avec eux ce qui n’est pas filmable, ce qui ne sera pas faisable avec une caméra. Ensuite, nous les accompagnons tout au long du processus pour raconter leur histoire, en utilisant toutes les technologies numériques à notre disposition pour aller vers la manière la plus simple et la plus économique de mettre en scène leur récit. C’est un accompagnement qui se poursuit donc sur le tournage, pour nous assurer que nous ayons ensuite sous la main toute la matière nécessaire à notre travail.


S : Avez-vous des exemples à nous partager? 


Stéphane Thibert : Dans le cadre des Frères Sisters, [western signé Jacques Audiard sorti en 2018, NDLR], nous n’avons pas réellement mis le feu à une écurie, comme vous pouvez le voir dans le film. Ces animaux ont bien sûr été recréés en 3D, et nous les avons intégrés dans le décor avec des effets de fumée et de flammes supplémentaires. Autre effet important, le cheval qui accompagne notre héros a une blessure qui évolue au fur et à mesure du film. Malheureusement, l’animal ne supportait pas son maquillage. Il a donc été décidé de réaliser celle-ci en images de synthèse. Dans ce cas-ci, nous avons d’abord recréé la tête de l’animal en 3D avant d’y intégrer un squelette ou rig, de la sculpter et d’y ajouter les textures nécessaires pour intégrer l’effet visuel à l’image. C’est un processus qui implique de nombreuses compétences différentes, et nos équipes travaillent - dans la mesure du possible - en parallèle pour réaliser ces créations. Cela nous arrive également d’avoir carte blanche sur certaines scènes, comme celle où une araignée rentre dans la bouche du héros endormi. Audiard nous a laissé ici une totale liberté de proposition, ce qui a amené à des scènes entièrement animées, où l’animal est le fruit du travail de notre équipe d’animation. Plus récemment, c’est également le cas dans Ailleurs si j’y suis, de François Pirot et avec Jérémie Rénier, où certains animaux ont été intégrés à l’image ici en studio (voir ci-dessous).



S : Vous avez aussi travaillé sur Io Capitano de Matteo Garrone?


Véronique Dessard, Head of Production : En effet. Pour ce film, tous les effets visuels ont été réalisés ici à Liège, tandis qu’une personne de notre équipe était détachée sur le terrain pour accompagner le réalisateur pendant le tournage. Notre intervention est, selon les plans, plus ou moins visible, mais il est clair que certaines ne sautent pas forcément aux yeux.


Ryan Bardoul - CG Lead : Lorsque le héros embarque dans les jeeps qui traversent le désert, nous avons par exemple effacé les multiples traces déjà présentes en raison du tournage des différentes prises, et des autres véhicules ayant circulé sur ces routes. Le cinéaste souhaitait en effet donner - comme pour les dunes plus loin dans le film - l’impression d’un désert inexploré et inhabité. Les plans qui nous ont demandé le plus de travail sont sans conteste ceux de la séquence où l’une des femmes qui accompagnent Seydou et Moussa dans leur traversée du désert se transforme et invite l’onirisme dans ce récit difficile. Il a fallu remplacer la robe du personnage, effacer les traces de pas et de mouvements du désert en arrière-plan, et effacer les mécanismes qui maintenaient la comédienne en suspension. Un travail réalisé de manière semi-automatique grâce à l’ordinateur, mais qui implique également un volet artistique afin d’animer le vêtement. D’où l’importance d’être présent sur place également, afin de pouvoir anticiper les besoins de nos équipes par la suite.


Le fameux désert d'Io Capitano
© Paradiso Films

S : En 2022, vous obtenez un César pour Annette, le premier décerné pour les meilleurs effets visuels. 


V. Dessard : Pour ce projet, le défi était la multiplicité des effets et leur diversité. Il y avait des scènes de foule, des effets d’intégration d’environnement, des séquences à créer entièrement comme celle du stade, et bien d’autres effets à prendre en compte. Guillaume [Pondard, superviseur VFX sur Annette et lauréat du César, NDLR] a passé beaucoup de temps en amont à détailler ce projet avec les équipes de production et le réalisateur.


Guillaume Pondard : À la lecture du scénario, il n’est pas forcément évident de savoir dans quel univers on se trouve, vu les multiples connivences entre les genres convoqués par Leos Carax. On a du théâtre, du musical, de l’opéra, du cinéma. La séquence du bateau s’inspire du cinéma des années soixante et de ses effets, sans en cacher la nature, voire en en jouant. C’est cela qui nous a plu dans ce projet, et qui a plu au public selon moi. Annette mélange brillamment les outils d’hier avec ceux d’aujourd’hui.



S : Justement, comment les cinéastes appréhendent-ils les effets visuels aujourd’hui? 


Guillaume Pondard : Sur Annette, cela était d’emblée compris par le réalisateur. Même si celui-ci n’était pas forcément conscient de tous les aspects du film sur lesquels nous allions devoir intervenir. De manière générale, les cinéastes nous font de plus en plus confiance, nous nous inscrivons aujourd’hui dans les équipes au même titre que les MFX et SFX [effets de maquillage et effets spéciaux, NDLR]. Les effets visuels dans le cinéma d’auteur sont aujourd’hui acceptés, et non plus ressentis comme un défaut de mise en scène. Et dans ce cadre, Audiard - notamment avec De rouille et d’os où il fait disparaître les jambes de Marion Cotillard - a grandement contribué à cette acceptation. 




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