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Katika Bluu, un autre regard sur les enfants issus des groupes armés

Dernière mise à jour : il y a 4 jours

© Hélicotronc
© Hélicotronc

Réalisé par Stéphane Vuillet et Stéphane Xhroüet, ce drame belgo-congolais nous entraîne sur les pas d'un «enfant-soldat», Bravó, exfiltré d'un groupe armé.


Quelle part de réalité, quelle part de fiction ? C'est la question qui se pose devant «Katika Bluu», drame à la fois doux et dur qui se penche sur le destin d'enfants issus des groupes armés, au travers de leur réinsertion dans la société. Tourné dans un «Centre de Transit et d'Orientation» à Goma, en République Démocratique du Congo, le film met en scène Bravó, un adolescent de 16 ans qui était Lieutenant dans la forêt, et qui refuse d'être traité comme les autres enfants. Un personnage fictionnel donc, mais fortement inspiré par celui qui l'incarne — comme les autres actrices et acteurs du film, qui jouent tous et toutes un peu de leur vécu.


À l'occasion de la sortie du film, nous avons rencontré le duo de réalisateurs derrière le projet, Stéphane Vuillet et Stéphane Xhroüet.



Comment avez-vous appréhendé la direction d'acteur, avec ces enfants qui n'ont a priori jamais joué dans un film ?


Stéphane Vuillet : Chaque scène du film nous avait été racontée par les enfants. Ce sont des scènes issues de la réalité. La direction d'acteur, c'était donc plutôt une sorte d'échange. Eux nous montaient ce qu'ils avaient fait, rejouaient ces scènes. Et nous, on devrait trouver le moyen de mettre notre caméra au bon endroit pour pouvoir raconter ça par le cinéma.


Stéphane Xhroüet : La particularité de ces enfants, au-delà qu'ils sont tous sortis des groupes armés, c'est qu'ils viennent de qu'ils appellent «la forêt». Ils n'ont aucune notion du cinéma. Quand j'ai allumé la caméra pour la première fois, ils passaient la main dans l'objectif. On n'a pas dû déconstruire avec eux leur propre image. Ils ne jouent pas. En fait, c'est super facile de les diriger. C'est ce qui fait la grande force de ce film je pense.


Il y a une scène très puissante dans «Katika Blu» où l'on voit ces enfants, qui ont un passé atroce, «jouer à la guerre», avec une certaine innocence.


SV : On a tourné ça dans le potager à l'arrière de la maison. Cette scène n'était pas prévue dans le scénario. Stéphane [Xhroüet] les a surpris en train de jouer à la guerre. On s'est dit qu'il fallait à tout prix qu'on en fasse une vraie séquence. On les a mis en scène, mais ce moment que je trouve très cinégénique et très beau, ce sont eux qui nous l'ont donné, sans qu'on leur demande. En fait, ce sont eux qui nous emmènent dans leur univers.


SX : C'était important, parce que la particularité de ce film, c'est qu'on ne voit pas les enfants à la guerre. Mais le spectateur ne doit jamais oublier d'où ils viennent.



Dans les premières scènes du film, Bravó, le personnage principal, se montre très agressif, mais progressivement, c'est la douceur et la tendresse qui prennent le dessus. À vrai dire, on voit beaucoup de scènes très tendres dans le film. Est-ce que c'est un choix de votre part ?


SX : Notre regard était tout le temps occupé à observer de la tendresse. Ils sont extrêmement tendres entre eux. Ils viennent d'un milieu extrêmement tortionnaire, et puis ils arrivent dans un milieu bienveillant et, subitement, ils deviennent bienveillants.


SV : Moi je m'attendais à quelque chose d'assez dur. J'ai découvert des enfants qui sont des enfants, comme tous les enfants du monde, c'est-à-dire qu'avant tout, ce qu'ils aiment, c'est jouer, c'est la complicité. Cette espèce de découverte a permis de déployer le regard tendre qu'on a sur eux. Au delà du fait que cette tendresse existe, on ne l'a pas inventé.


Est-ce que vous pensez que le film peut avoir un impact positif ? Qu'il peut changer les mentalités ?


SV : Honnêtement, je ne crois pas qu'un film peut changer le monde. Par contre, je crois qu'il peut changer la vie de certaines personnes. Pour les personnes qui verront le film, ça peut les éclairer sur quelque chose, leur donner envie de changer leur propre regard sur le monde.


SX : Il y a une autre dimension, c'est l'idée que ces enfants sont à tout jamais inscrits dans la mémoire de l'humanité. C'est Bravó qui m'en a parlé après le tournage. À la base, mon but, c'était que les enfants s'amusent et qu'ils profitent de l'atelier de cinéma. Mais en les filmant, on a enregistré leur voix et leur image, et donc maintenant, il y a une trace d'eux. C'est une manière de voir les choses très particulières. Certains enfants se sont dit que maintenant, ils peuvent mourir, parce qu'ils ont cette immortalité. Il faut savoir que dans les 30 enfants qu'on a filmés, il y en a quand même 5 qui ne sont plus de ce monde aujourd'hui, qui sont retournés dans les groupes armés et qui se sont fait tuer…



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