Massacres. Torture psychologique. Body horror. Habitué jusque là aux drames vaguement érotiques (Liaison fatale, 9 Semaines ½), le cinéaste britannique Adrian Lyne a fait en 1990 un changement de registre conséquent, avec le noir, terrifiant et profondément triste L'Échelle de Jacob. Entre une résurgence des paysages exotiques et guerriers d’Apocalypse Now et les déambulations sordides dans un New York miteux façon Scorsese, c’est dans une ambiance lugubre que Adrian Lyne nous invite à la rencontre de son protagoniste principal, Jacob Singer (Tim Robbins). Après un bref aparté dans son passé de soldat de la guerre du Vietnam, on retrouve Jacob, quatre ans plus tard, endormi dans les rues de la grosse pomme, L’étranger de Albert Camus dans les mains.
Cet étranger, c’est lui, en lutte pour faire cohabiter au mieux son enveloppe corporelle prise dans son quotidien d’homme divorcé, d’amant, de père et d'employé de la poste, avec les errances de son esprit, enfermé dans la jungle mortifère du Vietnam. À partir de là, des visions de visages monstrueux, de corps sans forme commencent à le poursuivre. Cette inquiétante étrangeté nous fait rapidement penser aux troubles de stress post-traumatique. La démarche profondément antimilitariste du film va ainsi de pair avec l’horreur psychologique et organique. Mais la portée du film va plus loin. Éparpillant çà et là des références à la religion - à commencer par l’Échelle de Jacob, parabole renvoyant à la passerelle entre la Terre et le Ciel - le film est avant tout un drame sur la perte et sur le deuil.
Géniale anomalie dans l’œuvre d’Adrian Lyne, qui ensuite a retrouvé sa vieille marotte du thriller érotique, L’Échelle de Jacob semble avoir trouvé son essence dans un moment de folie profonde. Une œuvre hallucinée et unique.
RÉALISÉ PAR : ADRIAN LYNE
AVEC : TIM ROBBINS, ELIZABETH PEÑA, DANNY AIELLO
PAYS : ÉTATS-UNIS
DURÉE : 115 MINUTES
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