Une adaptation grandiose et passionnante
S’il fait désormais partie des romanciers que l’on oblige les adolescents à lire, Alexandre Dumas était et demeure un auteur populaire dans son sens le plus noble, par son écriture généreuse, son style taquin et son impeccable sens de l’intrigue. Le septième art n’est évidemment pas resté insensible à ses talents, adaptant sans relâche ses romans les plus connus. Une tendance qui n’est vraisemblablement pas prête de s'essouffler : les studios Pathé ont fait de Dumas un des fers de lance de sa “reconquête” des salles de cinéma, débutée l’année dernière avec un diptyque onéreux peu inspiré autour des Trois Mousquetaires.
Sachant que derrière la caméra, c’est peu ou prou la même équipe, c’est avec appréhension que nous sommes allés à la rencontre de cette nouvelle adaptation du Comte de Monte-Cristo. Mais dès les premiers instants, soulagement : une ampleur, un panache, un sentiment de danger émane de l’écran, alors qu’Edmond Dantès plonge dans une mer déchaînée. La suite vous la connaissez sans doute. Son arrestation lors de son mariage avec Dolorès. Son enfermement au Château d’If. Sa terrible vengeance contre les hommes qui ont détruit sa vie. Reprenant les grandes lignes du roman (de plus de 1500 pages), cette nouvelle mouture arrive à en saisir l’essentiel, malgré quelques trahisons inévitables. Parfois par souci de concision, parfois pour gommer certains aspects plutôt gênants, le récit n’hésite pas à opérer des échanges de trajectoires entre ses personnages, à enlever des passages et à en raccourcir d’autres. Mais contrairement à d’autres adaptations, il y parvient sans trop édulcorer l’ensemble : dans sa transformation, Dantès reste une belle enflure, dévorée par ses plans machiavéliques.
Dans la peau du Comte adepte de déguisements en tous genres, Pierre Niney prend un plaisir évident à donner vie aux dialogues de Dumas, au même titre qu’Anaïs Demoustier ou Bastien Bouillon. Il y a un certain charme suranné à la diction et au phrasé des comédien·nes. Chacun·e est sur la même longueur, s’abandonnant à un jeu tantôt cabotin, tantôt théâtral, mais toujours avec conviction, si bien qu’on se laisse finalement emporter. Entre modernité et classicisme, Le Comte de Monte-Cristo choisit sans hésitation le second.
Si le film vient à nous rappeler qu’il date de 2024, c’est davantage par son usage excessif de drones, utilisés pour créer de grands mouvements de caméra censés être spectaculaires, mais dépourvus d’intérêt et d’affect. Certaines scènes plus intimes souffrent également d’un manque d’imagination cinématographique, abusant de champs/contrechamps. Difficile cependant de faire longtemps la fine bouche : à côté de ces séquences peu inspirées, le long-métrage déborde de moments d'anthologie, magnifiquement mis en images et en scène. On savoure la rigueur de certains plans, tableaux méticuleusement construits qui jouent sur la duplicité des personnages. Il y a une vraie satisfaction à voir quelques passages du roman prendre vie à l’écran, comme l’évasion de Dantès, ou ces scènes dans lesquelles le Comte invoque à sa manière un des fantômes qui hante ses ennemis.
C’est là qu’est la plus grande force de cette adaptation : son histoire a beau avoir été racontée d'innombrables fois, le plaisir de suivre le développement de chaque scène est bien là. Ses trahisons du récit original n’y sont pas pour rien. En se détachant de certains détails de l’intrigue, Le Comte de Monte-Cristo de 2024 parvient à être par endroits imprévisible. Mais c’est surtout parce que, derrière ses velléités de conquête du box-office office, le long-métrage d’Alexandre de la Patellière et Matthieu Delaporte met tout en œuvre pour apporter au public un film à grand spectacle bien fait.
RÉALISÉ PAR : MATTHIEU DELAPORTE, ALEXANDRE DE LA PATELLIÈRE
AVEC : PIERRE NINEY, BASTIEN BOUILLON, ANAÏS DEMOUSTIER, ANAMARIA VARTOLOMEI, LAURENT LAFITTE
PAYS : FRANCE
SORTIE : 28 JUIN
DURÉE : 178 MINUTES