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Rencontre avec Christophe Honoré et Chiara Mastroianni pour Marcello Mio

Dans Marcello Mio, le cinéaste Christophe Honoré confie à Chiara Mastroianni un rôle inédit : celui de son célèbre père. Dans un récit qui brouille les pistes entre fiction et réalité, l’actrice y traverse une crise existentielle, et décide de revêtir les vêtements et l’identité de Marcello Mastroianni. À la grande surprise de sa mère Catherine Deneuve, et d’autres visages connus du cinéma français, comme Melvil Poupaud ou Fabrice Luchini. Le résultat navigue quelque part entre l’hommage au cinéma d’antan, la comédie de famille, et l’exercice de style very frenchy … Rencontre en duo à Cannes, où le film a été présenté en mai dernier. 

C'est une histoire de famille très intime que vous explorez dans Marcello Mio Christophe Honoré - même si c'est par le biais de la fiction. N’aviez-vous pas peur de demander à Chiara Mastroianni de se dévoiler à ce point ?


CH : Effectivement c'était un pari risqué, et je n’étais pas sûr qu’elle accepte, mais il y avait un pacte de loyauté. Dans le scénario, je ne me suis jamais permis de dévoiler le moindre secret de famille, ou la moindre intimité qui n’appartienne pas déjà au domaine public. Souvent, dans des biopics, le but du scénario c'est de vous expliquer pourquoi une personne était telle qu'elle est - souvent parce qu'il y a un secret quelque part. Or ici, le film ne prétend jamais révéler un secret au public. Au contraire, c'est plutôt un film qui, au fur et à mesure de sa progression, fabrique un mystère.


Chiara Mastroianni, comment avez-vous appris à gérer la célébrité de vos parents et son impact dans votre vie ?


CM : Quand mon père est décédé (elle avait 24 ans, NDLR), les gens me parlaient évidemment beaucoup de lui. C’était étrange, parce qu’à la fois ils s'attendaient à ce que je réagisse comme sa fille, mais ils négligeaient complètement le fait qu'ils me parlaient de quelqu'un de proche qui venait de mourir, et que parfois ça peut être douloureux. C’est particulier, cette relation avec les médias. Donc à un moment il faut savoir passer au-dessus, sinon on pète un câble. Au fil des années, j’ai réalisé que c’était finalement bien pratique de parler de mes parents si les gens me le demandent, parce que c'est plus facile pour moi de parler d'eux... que de parler de moi (rire) !



Y a-t-il une nostalgie dans le film, de cette époque, et du cinéma de cette période ? 


CH : Effectivement pour nous cinéphiles, parfois on a cette idée qu'il y a un âge d'or du cinéma, qui est perdu. Pourquoi continuer à faire des films alors que ce paradis semble désormais inaccessible ? Comment travailler avec la mémoire du cinéma, sans s’enfermer dans la nostalgie ? Ces questionnements je les ressens très fort en tant que cinéaste.


Nombreux personnages et lieux du film font référence à Marcello Mastroianni, à Chiara, ou à Catherine Deneuve. Une exception : le soldat britannique, incarné par l’acteur Hugh Skinner. Quel est le sens de ce personnage ?


CH : J'avais besoin de quelqu'un d’innocent et d’étranger à toute cette histoire. J'ai choisi un Anglais, car je sais que les Anglais détestent le cinéma français (rires) ! Je blague, mais c'est vrai que c'était important d'avoir un personnage purement romanesque. Et la manière dont je le filme est très romanesque – on pourrait penser qu’il fait uniquement partie du rêve de Chiara. Il est inspiré du film Les Nuits Blanches de Visconti, dans lequel le personnage de Maria Schell se meurt d'amour pour quelqu’un qu’elle attend sur un pont. J'ai changé le genre du personnage, et je l'ai confié à Hugh Skinner



Vous avez tourné 7 films ensemble (Non ma fille tu n’iras pas danser, Les Bien-Aimés, Chambre 212…). Chaque projet est-il différent en termes de travail ? Que continuez-vous de découvrir l'un de l'autre ?


CM : Une des choses que j'adore dans le cinéma de Christophe, qu'il travaille avec moi ou pas, c'est qu'il se réinvente toujours, dans l'écriture mais aussi dans la mise en scène. C'est toujours inspirant pour nous acteurs - ça met la barre très haut, mais c'est très excitant. Hormis le fait qu'on se fait totalement confiance, chaque fois que je collabore avec lui, il m'emmène toujours ailleurs – c’est comme si on partait en tournée, et qu’il choisissait un pays différent à chaque fois. Je ne sais pas quel sera notre prochain voyage... 


CH : C'est vrai que je retravaille souvent avec les mêmes acteurs. À partir du moment où c’est quelqu’un avec qui je m'entends bien, en général à la fin du tournage je me sens frustré, j'ai l'impression de ne pas avoir fait assez. Aujourd’hui, on parle beaucoup des relations des cinéastes aux actrices, aux acteurs. Je ne m'aveugle pas sur la manière dont le pouvoir, la domination peuvent s'exercer dans ces rapports-là. Mais je crois aussi beaucoup à cette idée d'être allié, complice, voire de comploter ensemble. Je sais qu'avec Chiara, je peux faire de bons complots. Chiara dit « J'ai confiance en Christophe » mais moi j'ai aussi besoin que les acteurs me fassent confiance. Ça marche vraiment dans les deux sens. 

 

Marcello Mio de Christophe Honoré. Avec Chiara Mastroianni, Catherine Deneuve, Melvil Poupaud, Fabrice Luchini, Benjamin Biolay... Sortie le 14 août. 


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