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Rencontre avec l'équipe de Vice Versa 2

Raconter l'adolescence, un art collectif

Après le succès de Vice-Versa en 2015, s’attaquer à une suite relevait d’un sacré pari. Comment aller à la rencontre de telles attentes? Rencontrés à Annecy, Kelsey Mann, réalisateur, et Mark Nielsen, producteur, révèlent les secrets de ce nouvel opus, qui sans égaler son prédécesseur enrichit néanmoins ce monde intérieur de thématiques universelles.


Le premier film, réalisé par Pete Docter, est inspiré par sa propre fille. Comment avez-vous appréhendé cette suite?


Kelsey Mann : Je pense que chacune des personnes ayant travaillé sur ces films, le premier comme le second, s’est inspirée de sa propre vie. Selon moi, cela fait partie de notre travail d’insuffler ces émotions et ces expériences dans ce récit. En tant que personnes, et en tant que parents nous-mêmes d’adolescents ou d’adolescentes, cela fait évidemment partie de nos sources d’inspirations pour brosser un portrait le plus authentique possible de ce que peut être l’adolescence de Riley. Quand j’ai commencé à travailler sur ce film, je me suis replongé dans mes albums d’enfance. Et j’ai retrouvé cette photo de moi à mes cinq ans, lors de mon anniversaire, où j’avais l’air si heureux ! Cela m’a vraiment touché car au fur et à mesure des années, ce sourire s’efface des photos. Que s’est-il passé? L’adolescence, c’est une période difficile où l’on devient très conscient de ses propres faiblesses, où l’on n’arrive à voir que ses propres défauts. Et c’est cela que je souhaitais raconter.


Vous êtes deux hommes adultes. Comment vous êtes-vous mis dans la peau d’une adolescente de treize ans? 


Kelsey Mann : En tant que réalisateur, il était essentiel de pouvoir s’entourer des bonnes personnes. Je souhaite que chacun⸱e puisse s’identifier à ce film, quelque soit leur âge ou leur genre. Et pour ça, il faut être sûr d’être juste dans notre ton. Dès les premiers moments de l’écriture, j’ai eu la chance de collaborer avec Meg [LeFauve, également scénariste du premier Vice-Versa, NDLR], qui pour le coup se souvient de ce que c’était d’être une adolescente de 13 ans. Et de là, nous avons construit notre équipe créative en gardant à l’esprit cette volonté de représentation. La salle d’écriture était majoritairement composée de femmes, une première pour Pixar, et nous avons pu compter sur des talents incroyables durant toute la production. Maurissa Horowitz, notre monteuse, Andrea Datzman, notre compositrice, ou encore Keiko Murayama, notre directrice artistique pour les personnages, pour ne citer qu’elles. Et nous avons poursuivi ce processus en sondant des dizaines de jeunes filles des quatre coins des États-Unis qui ont pu faire leurs retours sur le film, dans le but d’affiner notre représentation. Elles aussi ont insufflé leur passion et leurs émotions au film, et j’en suis vraiment très heureux. 


Une scène en particulier, la crise de panique, est un point d’orgue du film. Comment avez-vous abordé ce moment-clé en termes de cinéma?


Kelsey Mann : Je n’arrive toujours pas à croire qu’on y soit arrivés. C’est un vrai effort collectif, où chaque département a contribué à créer ce rendu qui me donne encore des frissons aujourd’hui. Avec notre co-directeur photo Jonathan Pytko, nous avons réalisé de nombreux essais pour trouver la manière la plus visuelle et la plus intéressante pour raconter ce moment très intense pour Riley. 

Mark Nielsen : Nous avons fait beaucoup de recherches sur les représentations cinématographiques de ces scènes, car nous voulions trouver le ton juste. Il y a un très bel exemple dans la série The Bear notamment.

Kelsey Mann : Le tout, pour nourrir le travail de nos équipes. Et lorsque la séquence s’est finalement dessinée, je n’étais plus un réalisateur. J’étais dans le public, à ressentir toutes ces émotions avec Riley, à les encaisser, à n’avoir qu’une envie : la soutenir. Et là, j’ai su qu’on était dans le bon, et que tous ensemble nous avions accompli quelque chose d’incroyable.


Côté casting, on retrouve les voix du premier opus mais aussi de nouvelles émotions. Ennui, dans la version originale tout comme dans la version doublée, est incarnée par Adèle Exarchopoulos. Pourquoi avoir choisi une actrice française pour cette émotion?


Kelsey Mann : Riley fait face à des émotions de plus complexes, et nous voulions que ces nouvelles émotions apparaissent réellement comme un groupe distinct, qu’elles soient plus sophistiquées, incompréhensibles pour les émotions originelles. Et c’est pour cela que nous avons choisi Ennui. Pour ce qui est du casting, nous l’avons fait à l’aveugle, avec une vingtaine de candidat⸱es dont on n’avait que les voix à disposition. Et la voix d’Adèle nous a conquis, très détachée, très grave. Ce n’est qu’après notre choix qu’on a découvert à qui appartenait cette voix. Et nous avons eu la chance de pouvoir animer le personnage à partir de sa voix, ce qui nous a laissé beaucoup de liberté créative. 


En parlant de liberté, ce film n’aurait pas pu voir le jour autrement que par l’animation. Comment avez-vous appréhendé ce médium, et qu’est-ce qu’il représente pour vous ?


Mark Nielsen : Parmi les 400 personnes qui ont travaillé avec nous pendant ces quatre années de productions, je pense que toutes sont des amoureuses de l’animation. L’animation permet d’explorer de nouveaux mondes, de les inventer de toutes pièces, et de se plonger dans sa propre imagination pour créer de nouveaux styles, de nouveaux horizons. C’est un art extraordinairement libérateur, mais parfois intimidant également. Ralph Eggleston, chef décorateur du premier Vice-Versa, a failli devenir fou en couchant sur papier le monde et l’esthétique du film. Cela lui a pris trois ans à s’arracher les cheveux pour arriver à un univers cohérent, car il n’y a pas d’instructions pour représenter l’intérieur d’un cerveau humain ! Et une fois que cet univers se déploie devant vous, il n’y a rien de plus satisfaisant, si ce n’est pouvoir le partager avec le reste du monde. 



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