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Liam Debruel

Rencontre avec Leonardo Van Dijl, réalisateur de Julie Keeps Quiet

Pour son premier long-métrage, Leonardo Van Dijl livre une réflexion sur le silence des victimes. Julie Keeps Quiet a la force de la discrétion, misant sur le sous-entendu et la subtilité des protagonistes pour faire vivre la douleur d’un trauma intériorisé. Relecture contemporaine du mythe d’Antigone, le film place son réalisateur parmi les talents les plus en vue du cinéma belge d’aujourd’hui. 

Comment est venue l’idée du film ?


J’étais un peu inspiré par Antigone, une pièce de théâtre de Sophocle. C’est super intéressant parce que, même si l’histoire a plus de 2500 ans, elle reste encore très actuelle. Je me suis alors demandé ce que je pouvais en faire aujourd’hui. Julia, la protagoniste du film, est une fille de 15 ans qui a la pression pour parler et refuse de le faire. En faisant cela, elle oblige le monde à l’écouter. Je trouvais ça important de raconter une histoire de libération de parole. Pour avoir un dialogue, cela commence toujours par l’écoute. 


Votre usage des cadres fait écho à cette idée.


Julie est très au courant de sa présence dans l’espace, elle a conscience d’être observée. La caméra est une intervention du spectateur. C’est aussi une manière de respecter sa vie privée. Je ne voulais pas être trop près d’elle et respecter son intimité. Tessa [Van den Broeck, le rôle-titre, NDLR] sait très bien jouer avec cela : elle peut être très ouverte, puis fermée à d’autres moments. 


Cette distance confère également une certaine douceur au film.


C’est un peu bizarre mais j’étais inspiré en partie par Jeanne Dielman. On repère les choses et, petit à petit, on constate une évolution. Le film est aussi très sombre au début et, au fur et à mesure, il y a plus de lumière,le soleil arrive dans cet univers. C’est pour montrer qu’une fois qu’on laisse les choses difficiles derrière nous, la vie devient meilleure. 

C’est le tout premier film de Tessa Van den Broeck. Comment s’est passée la collaboration ?


On a beaucoup répété avant le début du tournage. Je lui ai toujours dit que jouer est une profession, une technique. Je ne voulais absolument pas aller dans le processus de method acting. On a surtout répété afin qu’elle soit très bien préparée pour le tournage. Elle était super car elle s’est beaucoup entraînée au tennis ! C’était d’ailleurs très chouette de travailler avec tous ces joueurs : au début, je pensais que ça allait être difficile, car ils n’ont pas nécessairement l’expérience de la caméra mais, au contraire, ça a été hyper facile.


Vous représentez bien la physicalité du sport tout en n’omettant pas la pression exercée sur les sportives. En quel sens le sport dispose d’un facteur cinématographique à vos yeux ?


Je trouve que les films de sport montrent celui-ci comme très abusif.. J’aime surtout montrer les exercices et entraînements. Je l’ai presque pris comme un exercice de méditation. Quand tu entres sur le court et que tu joues, c’est très important que les seules choses qui comptent soient la balle et toi. Tu dois constamment regarer la balle et, quand tu sais la dominer, tu es en train de gagner. J’aime cette idée que, pendant qu’elle joue, sa relation avec la balle reflète la manière dont elle se gère elle-même. Elle se rapproche, elle retourne en elle car, dans la vraie vie, elle est assez déconnectée de son corps. Je voulais montrer le sport presque comme quelque chose qui l’aide à survivre.

Vous avez tourné en pellicule, en 35 et 65 mm. Qu’est-ce que cela a apporté selon vous au film ?


Le directeur de la photographie est Nicolas Karakatsanis, qui a travaillé sur Rundskop, Skunk et Cruella. Il a donc beaucoup d’expertise concernant la pellicule. Ce n’était pas spécialement la texture ni l’esthétique qui étaient importants mais surtout le fait que ça nous oblige à penser, à se préparer et à ce que rien ne soit gratuit. Quand tu travailles sur du 35mm, il y a de grandes bobines et les caméras sont lourdes. Tout est toujours fait avec une intention. On se met à réfléchir sur ce qui est nécessaire pour l’histoire et ce qui relève de l’envie. Il y avait une certaine retenue parce que tu ne peux pas toujours faire et refaire continuellement les mêmes prises. Cela amène une autre concentration sur le plateau, ce qui était très agréable. Tu entends le bruit de la caméra et ça impose une ambiance. 


Votre film a été désigné pour représenter la Belgique aux Oscars. Comment avez-vous ressenti cette sélection ?


Je suis très honoré de représenter mon pays, presque comme un sportif qui va aux Jeux Olympiques ! Je vais donc essayer de ne pas représenter que mon film, mais également le cinéma belge. Je trouve aussi que Julie Keeps Quiet s’inscrit bien dans notre pays, car on y parle nos trois langues mais aussi car le silence de Julie est très belge. Ce que j’aime par exemple avec les films de Lukas Dhondt, Laura Wandel, Emmanuelle Nicot ou Baloji, c’est qu’ils m’ont aidé à croire en mon histoire. Ils ont tous, à leur manière, leur propre voix. J’ai donc essayé d’utiliser ma voix et de montrer l’histoire de Julie d’une façon un peu plus unique. 




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