Retour sur La Famille Tenenbaum, l'adieu poignant de Gene Hackman
- Katia Peignois
- 10 avr.
- 2 min de lecture

En une dizaine de longs-métrages et presque autant de moyens et courts-métrages, Wes Anderson a façonné depuis les années 90 l’un des styles les plus identifiables du septième art américain. Avec son amour du décalage, son esthétique maniaque de l’accumulation, son sens de la narration frénétique et ses dialogues pleins d’esprit, le réalisateur de The Grand Budapest Hotel a érigé l’artificialité en une voix singulière qui tend à approcher le réel et ses émotions par une succession de détails. Dès son troisième film, La Famille Tenenbaum, le geste andersonien faisait déjà des merveilles, et le revoir à l’heure de la disparition de Gene Hackman accentue encore son aura mélancolique.
Vingt-deux ans après la séparation des parents Tenenbaum, Royal (Gene Hackman), le père indigne et magouilleur, réintègre la maison familiale sur Archer Avenue en prétextant un faux cancer incurable de l’estomac parce qu’il s’est fait expulser de l’hôtel où il résidait à crédit. Margot (Gwyneth Paltrow), Chas (Ben Stiller) et Richie (Luke Wilson), la fratrie dysfonctionnelle en proie à la dépression des Tenenbaum, rentrent alors également au bercail. Ces enfants jadis prodigieux cherchent à présent leur place dans le chaos existentiel de la vie d’adulte. Le retour de Royal, en tant que force perturbatrice, les pousse à réagir, ne serait-ce qu’en opposition à lui, et à dépasser leur statut d’anciennes figures d’exception.

Fidèle à sa passion pour l’agencement sophistiqué de formes géométriques, bien adapté au format Scope, et pour le surcadrage, Wes Anderson filme avec humour les échecs intimes pour mieux capter les gestes d’apaisement et de réconciliation. En 2001, Gene Hackman a quasiment tiré sa révérence cinématographique avec cette comédie du désespoir. À l’instar de Royal qui avait rédigé son épitaphe avec emphase avant sa mort, La Famille Tenenbaum essayait inconsciemment de nous préparer au deuil d’un immense acteur dont la carrière n’attend qu’à être re-visitée.
Réalisé par Wes Anderson (109 minutes, États-Unis), Gene Hackman, Gwyneth Paltrow, Anjelica Huston, Owen Wilson.